Article mis à jour le 29 novembre 2023

Shampoing solide, gel douche en poudre, déodorant solide, dentifrice à croquer, … Depuis quelques années, ces produits d’hygiène ont fait irruption dans notre quotidien. Quasi-inexistants des rayons de nos supermarchés il y a peu, ces cosmétiques solides sont désormais bien implantés dans les magasins spécialisés ainsi qu’en GMS (Grande et Moyenne Surface). Si ses formes solides ont d’abord suscité l’intérêt massif des consommateurs en recherche de produits plus écoresponsables, il reste des barrières à faire tomber pour réaliser le plein potentiel du solide. Nous avons interviewé Emmanuelle Dumas, Consultante marketing auprès des marques de beauté engagées, pour nous donner sa vision et les freins de la croissance de marché.

Le marché des cosmétiques solides peine à croître en 2023

La cosmétique sèche a connu une ascension spectaculaire entre 2019 et 2021. Lors de sa sortie, les consommateurs ont été séduits par les avantages environnementaux et économiques qu’elle offre. En 2022, le marché a continué à connaître une belle croissance. Cependant, cette année, elle s’est quelque peu stoppée et la tendance a commencé à stagner. Ainsi, en 2023, le marché s’annonce négatif de 3,2 % en volume par rapport à l’année dernière (1).

Une nouvelle routine pas encore adoptée par tous

Les raisons majeures de ce désintérêt en France résident dans le fait que les consommateurs n’ont pas encore pleinement intégré ces produits dans leurs habitudes d’hygiène. Par ailleurs, les essais déceptifs du début de la cosmétique solide, caractérisés par des formulations moins efficaces, qui ne moussent pas suffisamment ou mal adaptées à certains types de cheveux ou de peaux, peuvent également expliquer cette réticence. Néanmoins, certains consommateurs continuent de consommer des produits comme les shampoings, mais cette habitude n’est pas encore totalement ancrée.

De même, la hausse du coût des matières premières n’est pas étrangère à la diminution des ventes. L’inflation reste en France à des niveaux inédits depuis 40 ans (source : Nielsen Consumer LLC, 2023).

Malgré tout, certaines marques se lancent le défi de faire bouger les choses, selon Emmanuelle Dumas. Par exemple, la marque Yves Rocher semble clarifier son concept magasin autour des cosmétiques solides, mieux agencés et bien plus visibles. Une volonté certainement de construire un petit pas vers la salle de bains Zéro Déchet grâce à leur gamme de shampoings solides sans sulfate.

marche français cosmétiques solides

Les cosmétiques solides manquent encore de popularité

En 2023, la plupart des Françaises achètent leurs produits cosmétiques et d’hygiène en GMS (74%), dans des magasins de produits cosmétiques comme Yves Rocher ou L’Occitane (47%), puis en pharmacies ou parapharmacies (40%). (2)

La grande distribution reste aujourd’hui le leader des ventes de produits d’hygiène et de beauté dans notre pays. Or, les produits de cosmétique solide sont encore peu présents dans les rayons des supermarchés. Pourtant, les enseignes GMS sont ouvertes à l’expérimentation de ce type de produits. Toutefois, le volume de vente reste encore insuffisant pour investir dans des outils de production, contrairement aux produits cosmétiques liquides.

A ce jour, la plupart des marques se tournent vers des sous-traitants pour la fabrication de leurs produits solides. Elles estiment ne pas avoir les moyens nécessaires ni une demande suffisante pour intégrer la production en interne.

Sondage : Cosmétiques solides

Après un échange entre Marie Lassarra, fondatrice de Mamik, et Emmanuelle Dumas, une envie commune est née de vouloir trouver des solutions face aux freins à l’usage au quotidien des cosmétiques solides dans les foyers. Elles ont ainsi invité certains acteurs de la cosmétique pour des ateliers de partage, comme Pachamamaï, Lamazuna, Yves Rocher, Respire, Mamik, Oane, United Cosmeticians ou encore Thierry Kuntz de l’agence AtaWay-Management.

Suite à ces ateliers de réflexion, cette équipe a mis en place un sondage dans le but de récolter des informations et de mieux appréhender ces obstacles. De nombreux organismes engagés tels que Réseau Vrac et Slow Cosmétique l’ont ensuite relayé.

Faites bouger les lignes en donnant votre avis !

Vous avez déjà testé les produits de beauté solides ? Convaincus ou sceptiques ? Participez, vous aussi, à ce sondage. Racontez votre expérience, vos coups de cœur et vos déceptions pour aider les acteurs à créer la cosmétique solide de demain !

Quels défis sont à relever pour séduire plus de consommateurs ?

Suite à ce sondage (avec déjà plus de 450 répondants) et des échanges lors d’ateliers, Emmanuelle Dumas nous partage aujourd’hui les freins et blocages à dépasser pour intégrer les cosmétiques solides dans sa routine beauté :

La sensorialité à optimiser

La cosmétique va de pair avec la notion de plaisir. Un produit solide doit procurer, au même titre qu’un produit solide, une texture et une odeur agréables et maîtrisées. Toutefois, ces critères de sélection restent encore des challenges à relever compliquant la transition vers le format solide. En effet, la formulation d’un produit solide requiert plus de recherches approfondies en matière de texture et de sensorialité afin d’imposer un nouveau produit sur le marché.

La problématique du prix face à la baisse du pouvoir d’achat

Face à l’envolée des prix des matières premières et en raison de leur composition, les cosmétiques solides voient leur prix augmenter significativement. Or, compte-tenu de la baisse de leur pouvoir d’achat, les Français sont de plus en plus regardants sur leurs dépenses.

Ils se questionnent aussi sur le prix facial de ces cosmétiques de forme sèche. Le prix affiché est-il rentable par rapport à la durée de vie du produit versus un cosmétique liquide ? En effet, ils connaissent parfaitement l’usage des cosmétiques liquides et leur durée dans le temps. Cependant, les consommateurs français n’ont pas encore assez de recul quant à la durée d’un shampoing ou dentifrice solide. Ils n’ont donc pas de moyen de comparaison.

L’usage et l’hygiène en salle de bain

L’hygiène est un aspect fondamental pour l’usage et le développement des produits de beauté solides. Cependant, ces formes de galéniques posent certaines problématiques dans le quotidien des Français. Ils ont tendance à fondre dans la salle de bain, à se consommer avec une atmosphère humide, à salir l’environnement de la pièce. De même, ils prennent facilement la poussière.

Il faut aussi convaincre les consommateurs du fait que plusieurs personnes utilisent le même produit directement sur leurs peaux. Au sein d’une famille, la mère est souvent convaincue et la plus motivée pour passer aux formes sèches. Le reste de la famille, mari et enfants, ont du mal à passer le cap.

Selon Emmanuelle Dumas,  » L’idéal serait qu’un produit solide n’appartienne qu’à une seule personne pour des raisons d’hygiène au sein d’un foyer ».

Si tel est le cas, le nombre de produits solides peut vite augmenter dans une même salle de bain. On assiste alors à un problème de différenciation. Forte de ce constat, la marque Mamik a lancé des boîtes recyclées personnalisées pour bien distinguer l’appartenance des produits. Une belle idée pour convaincre les grands comme les petits !

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La praticité et le transport à améliorer

Pour le quotidien, il existe des ventouses et des porte-savons aimantés afin d’avoir les produits solides à portée de main dans sa douche. Mais tous ne se valent pas en matière d’adhésion sur les parois humides.

Dans le cas d’un déplacement ou d’un départ en vacances, il faut aussi penser au transport de ces shampoings solides, gels douches solides… De plus en plus de marques proposent dorénavant des boîtes ou des contenants pour cosmétiques solides comme solution pratique. Une belle initiative, en particulier pour les voyageurs qui prennent l’avion. Cela peut les motiver à choisir ce format qui n’est pas soumis aux mêmes règles de sécurité que les liquides.

Il est essentiel de proposer de nouveaux formats de packagings nomades pour bousculer et réinventer les codes et les usages, comme des déodorants solides conditionnés en sticks et rétractables…

Et pourquoi pas miser sur la pratique du « cross-merchandising » en grande distribution en proposant ces accessoires dans le linéaire produit. Et si demain, les GMS venaient à proposer des boîtes, des ventouses… dans les rayons Hygiène & Cosmétique ?!

Une meilleure communication sur les bénéfices produits

Aujourd’hui, les marques de cosmétiques solides ont tendance à communiquer essentiellement sur les aspects écologiques des produits et/ou l’adoption d’une nouvelle gestuelle au quotidien. Mais force est de constater que les consommateurs n’achètent pas les valeurs de la marque en premier lieu. Le marché de l’hygiène et de la beauté reste un « marché de besoins ». Quelle est la motivation première d’un achat d’un produit cosmétique ? C’est avant tout ses propriétés, ce qu’il peut apporter à la personne. Les acheteurs veulent du résultat aussi bien pour des produits de beauté que pour l’hygiène.

Le but est de ne pas créer de l’insatisfaction chez les clients mais de répondre à des besoins et de correspondre aux « codes » du marché de l’hygiène. Comme par exemple, de voir apparaître « Dents blanches » pour un dentifrice solide… Il est essentiel de mettre les bénéfices produits en avant, leurs promesses. Les valeurs et les engagements de la marque viennent dans la réflexion d’achat dans un second temps.

marché cosmétiques solides ; tendances en cosmétique solide

DIY : problèmes de contamination et de stabilité

Le DIY, Do It Yourself, a le vent en poupe. De nombreuses femmes sautent le pas pour des produits cosmétiques et d’hygiène faits maison.

En 2023, 13% des Français déclarent fabriquer leurs produits d’hygiène beauté eux-mêmes en particulier les soins du visage et les shampoings ; 21% chez les – de 35 ans (source : Nielsen Consumer LLC, 2023).

Attention toutefois à bien respecter les règles d’hygiène tout au long du procédé de fabrication jusqu’au conditionnement. Des erreurs de dosage ou encore des interactions entre ingrédients peuvent aussi arriver. De ce fait, certains toxicologues sont parfois « frileux » à l’usage du DIY du fait des éventuels problèmes de contamination, de stabilité et de conservation de ces produits.

En conclusion, les marques de cosmétiques solides font aujourd’hui face à un contexte défavorable. Néanmoins, pour que ce marché continue de croître, elles doivent continuer à s’efforcer de satisfaire les attentes des consommateurs et à surmonter les obstacles qui se dressent sur leur chemin. Le « solide » va t-il s’orienter vers la tendance de « l’anhydre » en y incluant les poudres, les galets, … ? En effet, ces formes semblent plus adaptées aux attentes des consommateurs. L’usage se rapprochant finalement des formes liquides en recomposant soi-même son propre gel douche ! 

Sources

  1. https://www.lsa-conso.fr/les-cosmetiques-solides-en-quete-d-un-second-souffle,437801
  2. https://fr.statista.com/statistiques/632420/hygiene-beaute-distribution-actes-achat-par-circuit-france/